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Forum>The Doors>La mort de Jim Morrison
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jimborrison


10 Sep 2014, 13:27
Je suis tout à fait d'accord avec John, on attend avec impatience la 3ème et dernière partie de cette traduction.
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Nico


10 Sep 2014, 13:44
Evidemment ! Merci Sister !!!! Et d'ailleurs je n'ai aucune info pour savoir si c'est vrai ou pas. Elle reprend beaucoup d'éléments connus, mais certains détails étranges, voir too much, comme le fait qu'il écoute tous les morceaux des Doors en insistant sur The End juste avant de mourir.
Beaucoup avaient douté et surtout qu'on a jamais pu avoir d'info sur les circonstances de cette interview. Contrairement à celle de Paris-Match Monsieur Marcdoors.
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Sister Mid'nite


10 Sep 2014, 16:10
3ème et dernière partie !


"Brûle-les dans la cheminée, rapidement" me dit Pam en se précipitant dans la chambre et me remettant un paquet de lettres.

"Nous ne pouvons pas ! La police sentirait la combustion. C'est le jour le plus chaud de l'année."

Pam mit le feu à une enveloppe pour allumer la cheminée et ressorti pour aller chercher les lettres. Le deuxième lot de lettres, elle l'a lancé. À ce moment, j'ai remarqué que les lettres avaient son écriture. Je me suis demandé ce qu'elle avait écrit.

"Les histoires de drogue" dit Pam, lisant dans mes pensées, "de drogues et de moi, naturellement, mais celle-ci concerne Jim et c'est mieux qu'ils ne la voient pas. Lis-la."

J'ai pris le rapport de police de Los Angeles, deux photocopies jaunies.

Jim avait été pris sur le balcon de l'Hôtel Hyatt sur Sunset Boulevard. Babe Hill était aussi impliqué et la police avait trouvé de la marijuana.

"C'était à Jim ?"

"Non, c'était à Babe," a répondu Pam, tandis qu'elle ramassait des bobines de films de 8mm sur le plancher. "La nuit dernière nous avons visionné toutes les pellicules prises durant nos voyages, Grenade, Maroc, Corse. En même temps nous chantions des paroles de chansons comme "Run with me, let's run." "

"Je ne m'en souviens d'aucune ... Tu ne m'as pas dit ce que vous aviez pensé du film que je vous ai conseillé hier soir"

Songeuse (en lisant les lettres), Pam a souri et a dit "Quels fripons ! C'est vraiment nous, nous deux."

Des lettres qu'elle tenait dans sa main sont tombées et ont été soufflées par la brise qui venait de la fenêtre. Elles se sont mises à tournoyer dans la chambre. Finalement Pamela trouva le papier qu'elle cherchait.

"Penses-tu qu'ils me croiront, si je leur dis que ceci est mon acte de mariage ? Je ne pense pas qu'ils comprennent l'anglais."

"Ca ne marchera pas. Tu peux voir que c'est une requête pour faire un contrat de mariage. Le même mot existe en français."

"Nous l'avons fait à Denver, mais nous ne l'avons jamais "consommé'" dit-elle, souriant comme si elle partageait une plaisanterie intime.

J'ai remarqué le livre et le magazine que j'avais laissé là le jour d'avant et j'ai expliqué que Jim m'avait montré l'article de Newsweek pour que je le lise. J'ai demandé à Pamela la permission de les prendre. Pam m'a répondu et a commencé à parcourir les pages du magazine. Le titre sur la couverture était "L'héroïne, ce fléau. Que faire."

Pam est ensuite allée chercher un manteau de fourrure. Je lui ai demandé à qui il appartenait et elle m'a dit qu'il était à une de ses amies, la locataire de l'appartement.

"Elle ne rendra jamais l'argent que j'ai payé à l'avance pour le loyer, donc...."

"Allons Pam ! Tu ne peux pas confisquer les choses des autres. Je t'en prie, ne le fais pas. Tu aurais l'air ridicule à Los Angeles. Tu as de gros ennuis ici, imagine que la police te soupçonne d'acte criminel ou d'homicide ! Débarrasse-toi de cette fourrure ! Tu m'as compris !?"

Pam a enlevé la fourrure et a tranquillement fini son travail de recherche et de destruction. Je me suis demandé combien de temps je pourrais encore la supporter.

La sonnette de la porte d'entrée a retenti.

Le médecin légiste (lié au commissariat du quartier) était un homme trapu mais il portait des vêtements élégants. Le fonctionnaire de Police était très froid et il n'a exprimé aucune empathie.

"N'imaginez pas que ceci est un jeu," nous dit-il sur un ton sérieux.

"Où est le cadavre ?"

"Là"

Il s'est avancé puis s'est retourné "Allons-y, vous devez venir avec moi. C'est la procédure."

"Je ne peux pas. J'ai décidé de ne pas voir mon ami mort. Je ne veux pas avoir le souvenir de lui dans cette état. Je vous en prie, faites-le seul."

"Non," insista-t-il avec autorité.

Pam nous a rejoints. Elle était dans un état second et sa voix avait une tonalité artificielle.

"Ceci est mon très bel homme, monsieur," dit-elle en entrant dans la chambre. Elle semblait anéantie.

Le docteur a achevé l'examen en quelques minutes et est retourné dans la salle de séjour.

"Madame ne parle pas français. Puis-je répondre aux ultimes questions ?" ai-je demandé.

"Bien sûr. Quel âge avait-il ? S'est-il drogué ?"

"Vingt-sept ans. Non, il ne s'est absolument pas drogué," ai-je répondu rapidement et j'ai ajouté "En fait, il n'a pas même fumé de marijuana, ni à Los Angeles où on fume des joints comme des cigarettes. Non, vraiment, absolument pas. En fait seulement hier il ..." J'ai soudainement arrêté de parler. Les nerfs m'ont lâché. Je perdais le contrôle. Pourquoi le docteur avait-il passé si peu de temps ? Le cas était-t-il déjà réglé ? En notre faveur ou contre nous ?

Soudainement, j'ai recommencé à parler comme si j'avais été forcé.

"Vous devriez savoir que mon ami était très pâle la dernière fois je l'ai vu, quelques heures avant qu'il ne meurt. Il avait des hoquets continuellement. Il est allé chez le docteur il y a un mois quand il était à Londres et le docteur a dit..."

Le docteur a fait un geste vigoureux de sa main pour m'arrêter. "D'accord, je comprends" a-t-il dit d'une voix forte, me remettant une adresse et une enveloppe. "Amenez ceci à la mairie du quatrième arrondissement et allez au département du Registre d'état civil. Ils vous donneront un certificat de décès."

C'était la mi-journée quand nous sommes arrivés à la mairie et la concierge nous a dit de revenir autour de 14 heures. Nous sommes allés au café le plus proche et avons déjeuné en silence. Tendrement ma main s'est approché de Pamela et je lui ai fait une bise sur ses magnifiques cheveux roux. Elle a essuyé ses yeux et m'a souri. La situation était inconfortable. Elle m'a regardé fugitivement avec une expression de stupéfaction. Ensuite elle a regardé l'horloge.

"Quelle heure est-il à Los Angeles ?"

"Presque 5 heures du matin. Pourquoi ? Attends avant d'appeler quelqu'un. Attends que tout soit réglé" lui dis-je.

"Je dois appeler ma soeur, Judy. Je veux qu'elle court à la salle de montage des doors pour voler les recettes de leur film A feast of friends. Tu sais, elle vient juste d'avoir un bébé et elle est pauvre. Je lui offrirai ses cinquante dollars. Elle le fera. Après tout, elle est ma soeur."

"Mais c'est obscène, Pam."

"Pourquoi ? Elle a besoin d'argent. Lundi, pendant la sélection du film de Jim, j'irai seule. Tu ne peux pas venir."


Comme c'était samedi, il n'y avait qu'une femme qui travaillait dans le département du Registre d'état civil. Cela n'a pas pris longtemps pour examiner le contenu de l'enveloppe. La raison était simple : l'acte de décès était refusé pour des causes naturelles.

L'employée a téléphoné et m'a tendu le récepteur "C'est le chef. Il doit parler avec vous, monsieur."

"Je vous donne 10 minutes pour retourner à l'appartement où repose le défunt !" me dit-il, furieux. "Qui vous a donné la permission de sortir dans Paris, hein ?"

"Donnez-nous quinze minutes, le trafic est insensé". J'ai essayé d'ajouter quelque chose, mais je n'ai pas obtenu de réponse.



Pam était à côté de Jim quand la police est arrivée. Le chef n'avait aucune intention de renvoyer le cas. Il était stupéfait, comme moi, que le médecin légiste nous ait envoyé à la mairie. Le médecin légiste de l'Arrondissement viendrait pour reprendre le dossier.

Après avoir posé deux ou trois questions générales, le chef a fait inspecter l'appartement. J'ai regardé la cheminée et le plancher pour voir s'il restait des traces du feu de Pam.

Puis soudainement, je suis sorti de la chambre et j'ai demandé la permission d'utiliser la salle de bains. Une fois à l'intérieur, je me suis assuré que rien n'avait été laissé, malgré "l'opération de nettoyage " de Pam. Il ne restait aucune trace.
Le chef inspecta la baignoire. J'évitais de le regarder et je regardais fixement devant moi.

"Nous voudrions savoir quand enlever le corps" ai-je dit.


En repensant à des évènements survenus quelques jours plus tôt, je me disais comme c'est horrible ! J'avais décrit la fin d'une pièce à Jim, une pièce qu'il n'avait pas voulu voir jusqu'à la fin. "C'était la meilleure partie," lui avais-je dit. "Bob Wilson a construit l'ensemble de telle façon que le public a dû se lever et y aller pour voir des acteurs nus jonchés ça et là, feignant d'être mort.


"Je ne veux pas discuter du corps maintenant" m' a répondu le chef, me ramenant à la réalité. "De plus, sortez d'ici, je dois travailler. N'imaginez pas que ceci est un jeu"

Même si un magazine de rock a, plus tard, dit que cet appartement était luxueux, Pam était assise sur le seul meuble convenable. Nous sommes restés silencieux jusqu'à ce que le chef nous rejoigne pour nous dire que rien de nouveau n'avait été découvert et que si le nouveau docteur concluait l'affaire, nous pourrions avoir l'acte de décès et le permis d'inhumation.

"Monsieur, que faisons-nous maintenant avec le corps de Jim ?" ai-je demandé très prudemment.

"Oubliez le corps" a-t-il répondu "Je vous ai demandé de ne pas en parler. Peut-être qu'il pourrait être envoyé pour d'autres analyses. Le cadavre restera ici jusqu'à nouvel ordre. Le seul problème est la chaleur ces prochains jours"

"De quoi parlez-vous ?" me suis-je exclamé "Écoutez, vous n'allez pas imposer cela à Madame ?"

"Non, en aucun cas."

"Dites-moi ce qui se passe ?" Pam voulait une réponse.

"D'accord. Maintenant j'en ai assez. S'il vous plaît vous deux, venez avec moi"

Pendant le trajet au commissariat de police, j'ai recommandé à Pam de crier, s'abandonner à l'hystérie, bref, faire ce qu'elle pourrait pour s'empêcher de répondre. Il ne devait pas y avoir de contradiction entre elle moi. Même si les policiers essayaient de lire ses expressions, ils ne devaient pas pouvoir. Elle a su parfaitement déguiser ses émotions.

Le chef a inséré le formulaire dans la machine à écrire et était prêt à écouter Pam.

"Puis-je vous aider en traduisant ?"

Sa réponse a été cinglante. "Ce ne sera pas nécessaire. Je comprends l'anglais. Maintenant, rester calme. Merci."

Tandis que j'essayais de me rappeler le dialogue entre Pam et moi, elle donnait des réponses dangereusement détaillées. Pour le moment, elle n'avait pas encore contredit ma version. Mais, une certaine incohérence s'est glissée dans son histoire éveillant les soupçons du policier, particulièrement la partie où Jim vomissait dans la baignoire.

Le chef a demandé "Ainsi, vous avez abandonné Douglas pour vider et laver la bassine trois fois ?" et il a poursuivi "Et où avez-vous vidé et lavé la bassine ?"

Il y avait seulement un endroit où elle pourrait l'avoir fait (étrange qu'elle n'ait pas compris qu'elle aurait dû aller aux toilettes). Pam a répondu, prononçant les mots syllabe par syllabe "J'ai utilisé le lavabo dans la salle de bain."

Sûrement, mes pensées voyageaient en tandem avec celles du chef. Le caillot de sang et les bouts de nourriture auraient dû bouché l'évacuation. Pourquoi aurait-elle utilisé le lavabo ? J'ai retenu mon souffle.

Alors, quelque chose d'incroyable est arrivé.

Le chef m'a demandé de traduire pour terminer plus vite.

Tout se déroulait parfaitement jusqu'à ce que Pam décrive la façon de gifler Jim pour le réveiller. La véhémence que Pam mis dans son récit, qui s'ajoutait aux autres émotions déjà évoquées, laissa songeur le policier.

Une sirène retenti dans le silence, tandis que Pam et moi évitions de nous regarder.

"Quelle relation Madame Courson avait-elle avec le défunt?"

"Je ne sais pas quel est le terme qu'on utilise en français. Elle est pratiquement sa vraie femme."

"Je comprends. Elle était sa concubine."

"Enfin ! N'y-a-t-il pas une autre façon de qualifier sa position ?"

"A-t-elle eu des rapports sexuels avec le décédé la nuit dernière ? Avant qu'il ne soit mort, évidemment."

"Vous n'avez aucun droit de demander cela. C'est plutôt dégoûtant non ?"

Le policier n'a pas réagi et je me suis calmé. J'ai posé la question à Pam qui m'a répondu "Non".

Heureusement, un employé de bureau a interrompu l'interrogatoire et nous a dit de retourner immédiatement à l'appartement. Le deuxième médecin légiste était en route.

Pam, qui avait réussi à se contenir, m'a dit dans la rue "Vous (le policier et Alain) ne parlerez plus dans une langue que je ne peux pas comprendre, ok ? Vous pourriez dire n'importe quoi et je ne le comprendrais pas. Je suis désolée, mais comment puis-je vous comprendre ? Je veux connaître tout ce que vous direz dorénavant, chaque mot."

Juste avant que l'on rencontre un homme qui venait en face de nous, je lui dis qu'elle devait avoir confiance en moi.

Il portait un sac en cuir noir. Le nouveau docteur était affable. Une fois à l'intérieur, il est immédiatement allé dans la chambre de Jim, mais il est sorti aussi rapidement que le premier docteur. Il a examiné la salle de bains et nous a rejoints dans la salle à manger. Il nous a dit qu'il était plutôt étrange qu'un jeune homme doive mourir dans la baignoire et il a ajouté qu'il était dans une excellente condition physique presque comme un sportif engagé dans un club.

Il était complètement à côté de la plaque. Jim était un solitaire. Il n'avait jamais fait partie d'un club sportif. Il nageait mais rarement. Sa condition physique "excellente" lui permettait de sauter sur scène durant les shows.

Bien que Jim n'était pas vaniteux, il aurait certainement apprécié cette remarque flatteuse. Depuis quelques mois, il avait légèrement maigri parce qu'il avait diminué sa consommation d'alcool.

A ce moment, j'ai dit que Jim aimait boire de l'alcool. Le médecin m'a immédiatement rassuré, disant qu'en France, énormément de personnes buvaient. Je lui ai aussi parlé des contacts de Jim avec des médecins, l'appel à un médecin durant la nuit à Londres parce qu'il avait des troubles respiratoires, les médicaments pour l'asthme qui lui étaient prescrit par un médecin (même si cela n'avait pas été diagnostiqué), les quintes de toux durant tout le mois de juin.

Il m'a souri paternellement et a dit "Nous, aussi, voulons résoudre cette affaire. Maintenant, je vais aller au commissariat de police pour établir un rapport. Vous avez l'air tous les deux très tendus. Reposez-vous pendant une demi-heure et rendez-vous au commissariat."

Pam nous avait rejoints. Il l'a saluée par un "Au revoir Madame. Je vous prie d'accepter mes condoléances les plus sincères." Il a serré sa main et pris son poignet pour prendre son pouls. Il a fait un geste avec la tête pour signifier que tout allait bien. Pam a commencé à pleurer. Jusqu'à maintenant, personne ne s'était soucié de sa santé.

Elle a séché ses larmes et a changé d'attitude.

"Je veux du Xanax maintenant!" a-t-elle hurlé.

"Je m'en suis débarrassé pour qu'ils ne le trouvent pas."

"Tu n'as aucune idée du visage que tu fais quand tu mens. D'accord, ça m'est égal. De toute façon, j'en ai caché. Je dois me calmer, c'est simple."

Elle était devenue frénétique et a commencé à courir d'une chambre à une autre, cherchant au hasard. J'ai supposé qu'elle cherchait ses pilules, mais je ne savais pas à quoi servait le bocal qu'elle avait dans sa main. Dans le bureau de Jim, elle a trouvé un billet de cinquante francs et l'a mis dans le bocal. Elle a fouillé dans les poches d'une chemise de Jim, sortant quelques pièces de monnaie qu'elle a aussi mises dans le bocal, tandis qu'elle me regardait avec une mine très satisfaite. Quand elle eut fini son tour, le bocal était à moitié vide.

"En tout, j'ai seulement deux cents dollars," a-t-elle annoncé. "D'habitude, j'appelle Los Angeles quand nous avons besoin d'argent. Comment payerai-je pour l'incinération de Jim ? Je demanderai à Agnès."

"Comme tu le sais, je n'ai pas d'argent sur moi. Mais, s'ils acceptent des cartes de crédit et je pense qu'ils le feront, nous pouvons utiliser la mienne. Rend-moi service. Ne demande pas d'argent à Agnès."

"Pourquoi ? tu n'as pas confiance en moi ?"

"Bien sûr, j'ai confiance en toi" lui répondis-je sans conviction.

"Maintenant, il est neuf heures du matin en Amérique et le samedi les banques sont fermées. Et merde ! Elles seront fermées jusqu'à sept heures mardi matin, heure de Paris. Il y a dimanche 4 juillet et les banques seront fermées aussi le lundi, n'est-ce pas ? Tu peux te considérer chanceuse si tu as l'argent d'ici mercredi après-midi"

Soudain Pam eut une idée:

"Nous pouvons demander à Bill Siddons d'apporter l'argent ici personnellement. Après tout, il peut être utile à quelque chose. Je connais le comptable, Bob, mais il ne m'enverra jamais d'argent. Il ne m'aime pas et d'ailleurs je ne l'aime pas non plus. Bien sûr, je pourrais aussi lui dire que Jim a demandé de l'argent."

"Mais sais-tu que les comptes de Jim vont être bloqués ? Pourquoi ne t'adresse-tu pas à Max Fink pour qu'il t'explique comment ça se passe dans ces situations. Jim avait une totale confiance en lui et nous pouvons compter sur le fait que par déontologie il gardera le secret de la mort de Jim."

"Je ne l'aime pas beaucoup non plus" a répondu Pam, avant de changer d'avis plus tard.

"Je te prie de parler à un minimum de personne. Et tu viens de parler d'incinération. N'y pense même pas. Ici en France, ce n'est pas courant et ils demanderont une autopsie. Oublie. Et si tu envoyes le corps aux États-Unis, la loi prévoit que le cercueil devra être ouvert pour inspection et d'autres chamailleries. Je sais tout ça parce que j'ai fait expédié le corps de mon père pour être enterré.

Pam ne voulait pas comprendre.

"Je veux disperser ses cendres dans un endroit merveilleux. Un endroit qu'il aurait aimé. Je demanderai à Agnès de m'en montrer. Après tout, elle est cinéaste."

"Assez, je t'en prie. Écoute, nous devons l'enterrer et nous devons le faire vite, avant que la presse n'aie vent de ce qui se passe. Autrement, nous serons dans la merde. Agnès connaît un gros poisson de la presse européenne et je pense que si elle devait le lui demander, il pourrait étouffer l'affaire. Non, encore mieux ! Une fois j'ai emmené son épouse à un concert des doors. Après je l'ai présentée à Jim qui a été très sympa avec elle. Elle l'a adoré. Je parie qu'elle nous aiderait. Peut-être que nous parviendrions à manipuler la presse ?"

J'ai fait une pause pour être certain que Pamela me suivait.

"Je pense au Père Lachaise, le cimetière où Chopin, Delacroix, Piaf et Isadora Duncan sont enterrés. Même Alice B. Toklas est là. Tu vois Pam, dans ce pays, les gens respectent les artistes. Même Jim était respecté. Il n'était pas juste une rock star. Il aurait finalement fini dans un dictionnaire Larousse et pas sur une de ces pauvres cartes qu'ils vendent sur Hollywood Boulevard"

"Rimbaud est là-bas aussi ?"

"Je ne sais pas, je ne le pense pas. Il n'a pas disparu en Afrique ?"

"Tu sais que les perceptions restent dans le corps après la mort. S'il doit être enterré, Jim sentira la terre tombé sur lui. Il pourrait même entendre ce que les gens disent autour de sa tombe..."

Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il fallait répondre à une telle déclaration.

"Alors, qu'est-ce qui ne va pas avec ce que j'ai dit ?" lui ai-je demandé. "On ne dirait rien de mal sur lui."

Tandis que j'attendais l'approbation de Pam, une autre raison m'est apparue pour vouloir l'inhumer au Père Lachaise.

"Je dois te parler de quelque chose qui est arrivé il y a une semaine. Jim et moi marchions quand il a vu une colline au loin et il m'a demandé d'y aller. Quand nous sommes arrivés, nous nous sommes rendus compte que c'était le cimetière et qu'il venait juste de fermer. "

J'ai dit "Quel dommage, je voulais le visiter depuis longtemps"

"D'accord" a répondu Jim "Je reviendrai"

"Je me suis demandé pourquoi il avait utilisé le "je" et pourquoi il parlait avec emphase ? Je n'avais pas l'intention de quitter Paris à ce moment-là."

"Peut-être qu'il essayait de nous dire quelque chose" répondit Pam

"Sais-tu comment faire pour contacter les Morrison ? C'est une chose à faire y compris pour obtenir leur permission."

"Nous ne devons pas nous en inquiéter."

"Le pauvre Andy, je voudrais qu'il apprenne la nouvelle de moi plutôt que dans un journal."

"Ne t'inquiète pas pour lui. C'est ok. Il est un grand garçon maintenant."

Le déroulement rapide des événements ne m'avait pas donné de temps pour vraiment penser à tous les détails. Pour le moment, la seule chose importante était de donner à Jim un enterrement calme sans faire "tout un cirque".

En attendant, je ne savais pas jusqu'à quel point l'histoire que m'avait raconté Pam était la vraie histoire. Peut-être qu'elle avait contribué à la mort de Jim ? Non seulement elle, mais il y avait probablement aussi d'autres facteurs. Si les drogues l'avaient tué, je n'aurai pas voulu que cela fut découvert. J'en aurai eu honte et, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer plus tard à Pam, il y avait un autre point qui m'importait. Je ne voulais pas que Jim devienne un mythe que l'on se mette à suivre. Le mystère et la légende que nous avons construit autour de la mort de Jim me convenaient parfaitement.


Quelques minutes plus tard, Pam a commencé à fouiller dans le dernier tiroir d'un petit meuble.

"C'était à Jim" expliqua-t-elle. "Mais il ne s'en est pas trop occupé"

J'étais derrière elle et je pouvais voir qu'elle regardait des photographies de Jim. J'ai détourné le regard. Je pensais à tout ces bons souvenirs et j'ai commencé à pleurer.

"Hé, nous devons retourner au commissariat de police. Quelle heure est-il ?" me rappela Pam.



"Donnez-moi s'il vous plaît le passeport de Monsieur Morrison, je dois l'envoyer à l'Ambassade américaine. C'est juste une formalité."

Le policier était donc sur le point de découvrir le nom exact de Jim. Nous devions éviter de lui donner le passeport.

Je l'ai averti:

"Nous avons quitté l'appartement. Je devrais le chercher. Avez-vous envie de m'attendre ou préférez-vous que nous l'apportions là en personne ?

En tout cas, les bureaux de l'Ambassade sont fermés jusqu'à mardi puisque nous célébrons la Fête de l'Indépendance. En plus, il est tard. Vous ne devez pas aller à la maison pour le dîner ?"

"D'accord, vous pouvez le faire vous-mêmes et en fait, il est tard. Je serai chez vous de nouveau demain matin. Essayez d'être là. Entre temps vous pouvez faire ce que vous voulez"

J'ai dit "Monsieur, et le corps ?"

"Je vous avais demandé de ne pas en parler. Laissez-le pour le moment"



Nous venions d'arriver à la maison, quand Pam est allée voir qui avait sonné à la porte. Une minute plus tard elle a crié pour savoir si j'avais commandé de la crème glacée.

"Non et je ne pense que ça peut être fait à Paris. Pourquoi ?"

"Viens ici s'il te plaît et parle à ce type."

J'ai été surpris par l'apparence extraordinaire de cet homme. Seule la petite moustache, la canne et les chaussures surdimensionnées manquaient pour qu'il soit l'imitation exacte de Charlie Chaplin. Ses vêtements et le chapeau étaient justes et son visage était exactement le même.

"Ce n'est pas de la crème glacée" furent ses premiers mots. "C'est de la neige carbonique. Et ce n'est pas pour vous, c'est pour le cadavre"

Je le regardais étonné et je l'ai invité à entrer.

"Entrez. Il est là dans cette chambre"

Quand il a quitté la chambre, il m'a remis sa carte et a dit, "Je vous garderai informé du calendrier de mes visites. Tenez-moi au courant de la situation demain. Je ferai de mon mieux, mais cette chaleur est mauvaise."

Je lui ai dit que Pam avait l'intention de passer la nuit à côté de Jim.

Il a répondu "Selon mon expérience, je déconseille vraiment de le faire."

"L'Homme de Glace" est revenu plusieurs fois le dimanche et nous a informés que lundi, la situation serait presque insupportable.

Pam semblait épuisée, mais sa détermination la faisait aller de l'avant. Elle m'a dit qu'avoir Jim dans l'appartement la sécurisait. Si cela ne tenait qu'à elle, elle le garderait comme ça pour toujours.


Lundi, après qu'un peu de nouvelle glace ait été mise en place, nous avons reçu un appel téléphonique de Londres. Quelques rumeurs circulaient à propos de la mort suite aux affirmations de Marianne Faithfull. Pam, qui avait répondu, n'a rien dit.


La party était sur le point de commencer.

Il n'y avait pas de temps à perdre. Les relations d'Agnès dans la presse continuaient à imposer le silence aux journaux. En attendant, j'avais pris un rendez-vous avec un avocat bien connu, dans le cas où des complications malheureuses avec la police devaient apparaitre.

La pression a forcé Pam à prendre une décision. Elle a donné son approbation pour l'enterrement au Père Lachaise.

J'ai tout organisé en un jour.

En attendant, je n'ai pas pu lui faire changer d'avis, Pam a dormi avec Jim chaque nuit. Elle était têtue. Je ne voulais pas imaginer cette scène et l'effet que cela pourrait avoir sur elle.

Puis une complication est apparue. Elle commençait à devenir méchante avec Agnès, qui la traitait comme sa fille. Avec moi, Agnés a été une aide infinie.

J'ai dit à Pamela "Souviens-toi, Agnès connaissait à peine Jim. Ils ne se sont jamais vus seuls et elle a toujours été très correcte. Tu te souviens quand Jim t'a dit qu'Agnès serait probablement votre seule amie à Paris si quelque chose de difficile devait se présenter. Quelle prophétie..."

"Je ne remettrais jamais les pieds dans la maison de cette femme" conclu Pamela.

La morgue, située dans la rue à côté de Notre Dame, était si proche de la cathédrale qu'on pouvait croire qu'elle en faisait partie. L'ombre de la cathédrale en faisait un endroit sombre et qui plus est, il y avait une ampoule de faible puissance. Tout cela concordait bien avec mon humeur, qui était particulièrement noire à ce moment.

Monsieur Guizard, le propriétaire, s'est rapidement occupé des formalités de façon très professionnelle. Je pensais qu'il prendrait soin de tout ce qu'il y avait à faire quand son assistant est arrivé. Son apparence, ses ongles cassés, m'ont fait penser que c'est lui qui s'occuperait de l'enterrement.

"Tout le monde veut être enterré au Père Lachaise. Il n'y a plus de place. Qui était votre ami ? Un écrivain ?"

"En réalité, il était poète."

"Ah, dans ce cas, nous avons de la chance. Croyez-le ou pas, il y a toujours de la place dans la Division 89, où un autre auteur américain célèbre est enterré. Son nom est Oscar Wilde. Le connaissez-vous ?"

"Non je vous en prie. Pas à côté de Monsieur Wilde. N'y a-t-il pas un autre emplacement ?"

"Ici. Mais ce n'est pas vraiment un bel emplacement."

"Non, c'est ok. Merci."

L'année où j'ai fait ma seule visite au Père Lachaise, je suis passé devant l'Hôtel dans la rue des Beaux-Arts. Pour la première fois, j'ai lu la plaque commémorative sur le côté de l'entrée principale. Elle dit, plus ou moins : "Dans cet hôtel, Oscar Wilde, poète et dramaturge anglais est mort..."
Ce message a été modifé par Sister Mid'nite (12 Sep 2014, 13:02)Citer
Sister Mid'nite


11 Sep 2014, 1:27
Ca me fait plaisir de lire vos remerciements parce que ça m'a pris pas mal de temps de traduire ce texte. merci john silence :-)

Quelques petites explications.

Quand j'ai découvert ce texte pour la première fois (en italien), je ne l'ai pas lu attentivement et j'ai cru que c'était le même texte paru dans Paris Match et donc j'ai considéré qu'il n'était pas nécessaire de le traduire.

Par la suite, je l'ai revu plusieurs fois en anglais, en allemand, en espagnol. Je crois que sa première publication est en italien. Mais j'imagine que le texte original est en anglais.

Mais il semble qu'il y a eu plusieurs traductions différentes depuis le texte en italien qui a été retraduit en anglais. Bref, il y a certainement plusieurs versions avec de légères variations.

J'ai hésité à ne traduire que des passages que je trouvais important et finalement j'ai tout traduit parce que je n'ai jamais trouvé l'intégralité en français. Donc cette fois c'est fait.


Je me suis posé la question de l'authenticité de cette histoire.

Le texte est signé par Alain Ronay et je n'imagine pas que quelqu'un ait usurpé son identité pour inventer ce récit qui est connu par la majorité des fans. Ronay aurait réagi depuis longtemps.

Donc a priori c'est bien le vrai Alain Ronay qui est l'auteur.

A-t-il inventé ?

Je pense que c'est impossible de le savoir vu qu'il raconte des événements connus par très peu de témoins. La plupart des choses qu'ils racontent sont connues uniquement de Varda, Pamela, lui et les fonctionnaires français.

Beaucoup de choses qu'il raconte paraissent crédibles et comme le dit Miami 69, elles sont reprises dans la majorité des biographies.

Il y a bien quelques détails qui sont étranges et ce serait intéressant de savoir ce qui a poussé Ronay, 20 ans après avoir été le témoin de ces événements, à les rendre public.

Je n'ai pas l'impression qu'il a cherché à se faire du fric en multipliant les entretiens sur ce sujet. Je crois que c'est le seul récit qu'il ait fait.

Lors de la publication de certains extraits dans Paris Match il semblerait qu'Agnès Varda lui en ait voulu d'avoir dit certaines choses.


Il apparait clairement que Pamela a cherché à protéger Jean de Breteuil et qu'une partie des événements de la nuit ne sont pas connus par Alain Ronay.

Avec les témoignages de Jean de Breteuil, rapporté par Roger Steffens en 1986, ceux de Marianne Faithfull en 2011 et 2014, et celui de Alain Ronay, je pense que l'on peut reconstituer assez précisément ce qui s'est passé.

Et je vais prochainement essayer de le faire !
Citer
john silence


11 Sep 2014, 7:08
Ce qui est déstabilisant dans ce témoignage , c'est son côté vécu de l'intérieur qui dénote avec l'idée "romantique " de la mort d'un poète.

Les réalités-crasses montrent à quel point les artistes auréolés descendent de leur aura dès lors que l'on porte sur eux un regard d'égal humain.

J'aime à répéter des remerciements car je sais le boulot en annexe et le projet que tu tenais à nous faire part pour cette itw !
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jimborrison


11 Sep 2014, 13:50
Un tout grand merci à Sister Mid'nite pour ce travail de traduction fastidieux et très professionnel. En fait cela fait des années que je recherche ce magazine italien et je ne suis jamais arrivé à mettre la main dessus. L'interview originale a été publiée en italien et elle avait été traduite (dans son intégralité) en Anglais mais encore jamais en Français. Voilà qui est fait. Maintenant cette interview (qui selon moi n'est pas un fake) est-elle romancée, sans doute oui mais c'est toute la part de mystère qui entoure ces événements et c'est cela qui me passionne.
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john silence


11 Sep 2014, 15:57
Ça faisait longtemps qu'une lecture sur Morrison m'avait autant passionné !
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deepfan
12 Sep 2014, 14:48
Merci beaucoup Sister Mid'nite pour ton énorme travail de traduction.

Comme John, ce récit m'a passionné sur plusieurs jours...
Une vue de l'intérieur très personnelle et intime... Parfois émouvante, parfois dérangeante...
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birdofpray


19 Sep 2014, 15:57
Citation de Sister Mid'nite :
3ème et dernière partie !


"Brûle-les dans la cheminée, rapidement" me dit Pam en se précipitant dans la chambre et me remettant un paquet de lettres.

"Nous ne pouvons pas ! La police sentirait la combustion. C'est le jour le plus chaud de l'année."

Pam mit le feu à une enveloppe pour allumer la cheminée et ressorti pour aller chercher les lettres. Le deuxième lot de lettres, elle l'a lancé. À ce moment, j'ai remarqué que les lettres avaient son écriture. Je me suis demandé ce qu'elle avait écrit.

"Les histoires de drogue" dit Pam, lisant dans mes pensées, "de drogues et de moi, naturellement, mais celle-ci concerne Jim et c'est mieux qu'ils ne la voient pas. Lis-la."

J'ai pris le rapport de police de Los Angeles, deux photocopies jaunies.

Jim avait été pris sur le balcon de l'Hôtel Hyatt sur Sunset Boulevard. Babe Hill était aussi impliqué et la police avait trouvé de la marijuana.

"C'était à Jim ?"

"Non, c'était à Babe," a répondu Pam, tandis qu'elle ramassait des bobines de films de 8mm sur le plancher. "La nuit dernière nous avons visionné toutes les pellicules prises durant nos voyages, Grenade, Maroc, Corse. En même temps nous chantions des paroles de chansons comme "Run with me, let's run." "

"Je ne m'en souviens d'aucune ... Tu ne m'as pas dit ce que vous aviez pensé du film que je vous ai conseillé hier soir"

Songeuse (en lisant les lettres), Pam a souri et a dit "Quels fripons ! C'est vraiment nous, nous deux."

Des lettres qu'elle tenait dans sa main sont tombées et ont été soufflées par la brise qui venait de la fenêtre. Elles se sont mises à tournoyer dans la chambre. Finalement Pamela trouva le papier qu'elle cherchait.

"Penses-tu qu'ils me croiront, si je leur dis que ceci est mon acte de mariage ? Je ne pense pas qu'ils comprennent l'anglais."

"Ca ne marchera pas. Tu peux voir que c'est une requête pour faire un contrat de mariage. Le même mot existe en français."

"Nous l'avons fait à Denver, mais nous ne l'avons jamais "consommé'" dit-elle, souriant comme si elle partageait une plaisanterie intime.

J'ai remarqué le livre et le magazine que j'avais laissé là le jour d'avant et j'ai expliqué que Jim m'avait montré l'article de Newsweek pour que je le lise. J'ai demandé à Pamela la permission de les prendre. Pam m'a répondu et a commencé à parcourir les pages du magazine. Le titre sur la couverture était "L'héroïne, ce fléau. Que faire."

Pam est ensuite allée chercher un manteau de fourrure. Je lui ai demandé à qui il appartenait et elle m'a dit qu'il était à une de ses amies, la locataire de l'appartement.

"Elle ne rendra jamais l'argent que j'ai payé à l'avance pour le loyer, donc...."

"Allons Pam ! Tu ne peux pas confisquer les choses des autres. Je t'en prie, ne le fais pas. Tu aurais l'air ridicule à Los Angeles. Tu as de gros ennuis ici, imagine que la police te soupçonne d'acte criminel ou d'homicide ! Débarrasse-toi de cette fourrure ! Tu m'as compris !?"

Pam a enlevé la fourrure et a tranquillement fini son travail de recherche et de destruction. Je me suis demandé combien de temps je pourrais encore la supporter.

La sonnette de la porte d'entrée a retenti.

Le médecin légiste (lié au commissariat du quartier) était un homme trapu mais il portait des vêtements élégants. Le fonctionnaire de Police était très froid et il n'a exprimé aucune empathie.

"N'imaginez pas que ceci est un jeu," nous dit-il sur un ton sérieux.

"Où est le cadavre ?"

"Là"

Il s'est avancé puis s'est retourné "Allons-y, vous devez venir avec moi. C'est la procédure."

"Je ne peux pas. J'ai décidé de ne pas voir mon ami mort. Je ne veux pas avoir le souvenir de lui dans cette état. Je vous en prie, faites-le seul."

"Non," insista-t-il avec autorité.

Pam nous a rejoints. Elle était dans un état second et sa voix avait une tonalité artificielle.

"Ceci est mon très bel homme, monsieur," dit-elle en entrant dans la chambre. Elle semblait anéantie.

Le docteur a achevé l'examen en quelques minutes et est retourné dans la salle de séjour.

"Madame ne parle pas français. Puis-je répondre aux ultimes questions ?" ai-je demandé.

"Bien sûr. Quel âge avait-il ? S'est-il drogué ?"

"Vingt-sept ans. Non, il ne s'est absolument pas drogué," ai-je répondu rapidement et j'ai ajouté "En fait, il n'a pas même fumé de marijuana, ni à Los Angeles où on fume des joints comme des cigarettes. Non, vraiment, absolument pas. En fait seulement hier il ..." J'ai soudainement arrêté de parler. Les nerfs m'ont lâché. Je perdais le contrôle. Pourquoi le docteur avait-il passé si peu de temps ? Le cas était-t-il déjà réglé ? En notre faveur ou contre nous ?

Soudainement, j'ai recommencé à parler comme si j'avais été forcé.

"Vous devriez savoir que mon ami était très pâle la dernière fois je l'ai vu, quelques heures avant qu'il ne meurt. Il avait des hoquets continuellement. Il est allé chez le docteur il y a un mois quand il était à Londres et le docteur a dit..."

Le docteur a fait un geste vigoureux de sa main pour m'arrêter. "D'accord, je comprends" a-t-il dit d'une voix forte, me remettant une adresse et une enveloppe. "Amenez ceci à la mairie du quatrième arrondissement et allez au département du Registre d'état civil. Ils vous donneront un certificat de décès."

C'était la mi-journée quand nous sommes arrivés à la mairie et la concierge nous a dit de revenir autour de 14 heures. Nous sommes allés au café le plus proche et avons déjeuné en silence. Tendrement ma main s'est approché de Pamela et je lui ai fait une bise sur ses magnifiques cheveux roux. Elle a essuyé ses yeux et m'a souri. La situation était inconfortable. Elle m'a regardé fugitivement avec une expression de stupéfaction. Ensuite elle a regardé l'horloge.

"Quelle heure est-il à Los Angeles ?"

"Presque 5 heures du matin. Pourquoi ? Attends avant d'appeler quelqu'un. Attends que tout soit réglé" lui dis-je.

"Je dois appeler ma soeur, Judy. Je veux qu'elle court à la salle de montage des doors pour voler les recettes de leur film A feast of friends. Tu sais, elle vient juste d'avoir un bébé et elle est pauvre. Je lui offrirai ses cinquante dollars. Elle le fera. Après tout, elle est ma soeur."

"Mais c'est obscène, Pam."

"Pourquoi ? Elle a besoin d'argent. Lundi, pendant la sélection du film de Jim, j'irai seule. Tu ne peux pas venir."


Comme c'était samedi, il n'y avait qu'une femme qui travaillait dans le département du Registre d'état civil. Cela n'a pas pris longtemps pour examiner le contenu de l'enveloppe. La raison était simple : l'acte de décès était refusé pour des causes naturelles.

L'employée a téléphoné et m'a tendu le récepteur "C'est le chef. Il doit parler avec vous, monsieur."

"Je vous donne 10 minutes pour retourner à l'appartement où repose le défunt !" me dit-il, furieux. "Qui vous a donné la permission de sortir dans Paris, hein ?"

"Donnez-nous quinze minutes, le trafic est insensé". J'ai essayé d'ajouter quelque chose, mais je n'ai pas obtenu de réponse.



Pam était à côté de Jim quand la police est arrivée. Le chef n'avait aucune intention de renvoyer le cas. Il était stupéfait, comme moi, que le médecin légiste nous ait envoyé à la mairie. Le médecin légiste de l'Arrondissement viendrait pour reprendre le dossier.

Après avoir posé deux ou trois questions générales, le chef a fait inspecter l'appartement. J'ai regardé la cheminée et le plancher pour voir s'il restait des traces du feu de Pam.

Puis soudainement, je suis sorti de la chambre et j'ai demandé la permission d'utiliser la salle de bains. Une fois à l'intérieur, je me suis assuré que rien n'avait été laissé, malgré "l'opération de nettoyage " de Pam. Il ne restait aucune trace.
Le chef inspecta la baignoire. J'évitais de le regarder et je regardais fixement devant moi.

"Nous voudrions savoir quand enlever le corps" ai-je dit.


En repensant à des évènements survenus quelques jours plus tôt, je me disais comme c'est horrible ! J'avais décrit la fin d'une pièce à Jim, une pièce qu'il n'avait pas voulu voir jusqu'à la fin. "C'était la meilleure partie," lui avais-je dit. "Bob Wilson a construit l'ensemble de telle façon que le public a dû se lever et y aller pour voir des acteurs nus jonchés ça et là, feignant d'être mort.


"Je ne veux pas discuter du corps maintenant" m' a répondu le chef, me ramenant à la réalité. "De plus, sortez d'ici, je dois travailler. N'imaginez pas que ceci est un jeu"

Même si un magazine de rock a, plus tard, dit que cet appartement était luxueux, Pam était assise sur le seul meuble convenable. Nous sommes restés silencieux jusqu'à ce que le chef nous rejoigne pour nous dire que rien de nouveau n'avait été découvert et que si le nouveau docteur concluait l'affaire, nous pourrions avoir l'acte de décès et le permis d'inhumation.

"Monsieur, que faisons-nous maintenant avec le corps de Jim ?" ai-je demandé très prudemment.

"Oubliez le corps" a-t-il répondu "Je vous ai demandé de ne pas en parler. Peut-être qu'il pourrait être envoyé pour d'autres analyses. Le cadavre restera ici jusqu'à nouvel ordre. Le seul problème est la chaleur ces prochains jours"

"De quoi parlez-vous ?" me suis-je exclamé "Écoutez, vous n'allez pas imposer cela à Madame ?"

"Non, en aucun cas."

"Dites-moi ce qui se passe ?" Pam voulait une réponse.

"D'accord. Maintenant j'en ai assez. S'il vous plaît vous deux, venez avec moi"

Pendant le trajet au commissariat de police, j'ai recommandé à Pam de crier, s'abandonner à l'hystérie, bref, faire ce qu'elle pourrait pour s'empêcher de répondre. Il ne devait pas y avoir de contradiction entre elle moi. Même si les policiers essayaient de lire ses expressions, ils ne devaient pas pouvoir. Elle a su parfaitement déguiser ses émotions.

Le chef a inséré le formulaire dans la machine à écrire et était prêt à écouter Pam.

"Puis-je vous aider en traduisant ?"

Sa réponse a été cinglante. "Ce ne sera pas nécessaire. Je comprends l'anglais. Maintenant, rester calme. Merci."

Tandis que j'essayais de me rappeler le dialogue entre Pam et moi, elle donnait des réponses dangereusement détaillées. Pour le moment, elle n'avait pas encore contredit ma version. Mais, une certaine incohérence s'est glissée dans son histoire éveillant les soupçons du policier, particulièrement la partie où Jim vomissait dans la baignoire.

Le chef a demandé "Ainsi, vous avez abandonné Douglas pour vider et laver la bassine trois fois ?" et il a poursuivi "Et où avez-vous vidé et lavé la bassine ?"

Il y avait seulement un endroit où elle pourrait l'avoir fait (étrange qu'elle n'ait pas compris qu'elle aurait dû aller aux toilettes). Pam a répondu, prononçant les mots syllabe par syllabe "J'ai utilisé le lavabo dans la salle de bain."

Sûrement, mes pensées voyageaient en tandem avec celles du chef. Le caillot de sang et les bouts de nourriture auraient dû bouché l'évacuation. Pourquoi aurait-elle utilisé le lavabo ? J'ai retenu mon souffle.

Alors, quelque chose d'incroyable est arrivé.

Le chef m'a demandé de traduire pour terminer plus vite.

Tout se déroulait parfaitement jusqu'à ce que Pam décrive la façon de gifler Jim pour le réveiller. La véhémence que Pam mis dans son récit, qui s'ajoutait aux autres émotions déjà évoquées, laissa songeur le policier.

Une sirène retenti dans le silence, tandis que Pam et moi évitions de nous regarder.

"Quelle relation Madame Courson avait-elle avec le défunt?"

"Je ne sais pas quel est le terme qu'on utilise en français. Elle est pratiquement sa vraie femme."

"Je comprends. Elle était sa concubine."

"Enfin ! N'y-a-t-il pas une autre façon de qualifier sa position ?"

"A-t-elle eu des rapports sexuels avec le décédé la nuit dernière ? Avant qu'il ne soit mort, évidemment."

"Vous n'avez aucun droit de demander cela. C'est plutôt dégoûtant non ?"

Le policier n'a pas réagi et je me suis calmé. J'ai posé la question à Pam qui m'a répondu "Non".

Heureusement, un employé de bureau a interrompu l'interrogatoire et nous a dit de retourner immédiatement à l'appartement. Le deuxième médecin légiste était en route.

Pam, qui avait réussi à se contenir, m'a dit dans la rue "Vous (le policier et Alain) ne parlerez plus dans une langue que je ne peux pas comprendre, ok ? Vous pourriez dire n'importe quoi et je ne le comprendrais pas. Je suis désolée, mais comment puis-je vous comprendre ? Je veux connaître tout ce que vous direz dorénavant, chaque mot."

Juste avant que l'on rencontre un homme qui venait en face de nous, je lui dis qu'elle devait avoir confiance en moi.

Il portait un sac en cuir noir. Le nouveau docteur était affable. Une fois à l'intérieur, il est immédiatement allé dans la chambre de Jim, mais il est sorti aussi rapidement que le premier docteur. Il a examiné la salle de bains et nous a rejoints dans la salle à manger. Il nous a dit qu'il était plutôt étrange qu'un jeune homme doive mourir dans la baignoire et il a ajouté qu'il était dans une excellente condition physique presque comme un sportif engagé dans un club.

Il était complètement à côté de la plaque. Jim était un solitaire. Il n'avait jamais fait partie d'un club sportif. Il nageait mais rarement. Sa condition physique "excellente" lui permettait de sauter sur scène durant les shows.

Bien que Jim n'était pas vaniteux, il aurait certainement apprécié cette remarque flatteuse. Depuis quelques mois, il avait légèrement maigri parce qu'il avait diminué sa consommation d'alcool.

A ce moment, j'ai dit que Jim aimait boire de l'alcool. Le médecin m'a immédiatement rassuré, disant qu'en France, énormément de personnes buvaient. Je lui ai aussi parlé des contacts de Jim avec des médecins, l'appel à un médecin durant la nuit à Londres parce qu'il avait des troubles respiratoires, les médicaments pour l'asthme qui lui étaient prescrit par un médecin (même si cela n'avait pas été diagnostiqué), les quintes de toux durant tout le mois de juin.

Il m'a souri paternellement et a dit "Nous, aussi, voulons résoudre cette affaire. Maintenant, je vais aller au commissariat de police pour établir un rapport. Vous avez l'air tous les deux très tendus. Reposez-vous pendant une demi-heure et rendez-vous au commissariat."

Pam nous avait rejoints. Il l'a saluée par un "Au revoir Madame. Je vous prie d'accepter mes condoléances les plus sincères." Il a serré sa main et pris son poignet pour prendre son pouls. Il a fait un geste avec la tête pour signifier que tout allait bien. Pam a commencé à pleurer. Jusqu'à maintenant, personne ne s'était soucié de sa santé.

Elle a séché ses larmes et a changé d'attitude.

"Je veux du Xanax maintenant!" a-t-elle hurlé.

"Je m'en suis débarrassé pour qu'ils ne le trouvent pas."

"Tu n'as aucune idée du visage que tu fais quand tu mens. D'accord, ça m'est égal. De toute façon, j'en ai caché. Je dois me calmer, c'est simple."

Elle était devenue frénétique et a commencé à courir d'une chambre à une autre, cherchant au hasard. J'ai supposé qu'elle cherchait ses pilules, mais je ne savais pas à quoi servait le bocal qu'elle avait dans sa main. Dans le bureau de Jim, elle a trouvé un billet de cinquante francs et l'a mis dans le bocal. Elle a fouillé dans les poches d'une chemise de Jim, sortant quelques pièces de monnaie qu'elle a aussi mises dans le bocal, tandis qu'elle me regardait avec une mine très satisfaite. Quand elle eut fini son tour, le bocal était à moitié vide.

"En tout, j'ai seulement deux cents dollars," a-t-elle annoncé. "D'habitude, j'appelle Los Angeles quand nous avons besoin d'argent. Comment payerai-je pour l'incinération de Jim ? Je demanderai à Agnès."

"Comme tu le sais, je n'ai pas d'argent sur moi. Mais, s'ils acceptent des cartes de crédit et je pense qu'ils le feront, nous pouvons utiliser la mienne. Rend-moi service. Ne demande pas d'argent à Agnès."

"Pourquoi ? tu n'as pas confiance en moi ?"

"Bien sûr, j'ai confiance en toi" lui répondis-je sans conviction.

"Maintenant, il est neuf heures du matin en Amérique et le samedi les banques sont fermées. Et merde ! Elles seront fermées jusqu'à sept heures mardi matin, heure de Paris. Il y a dimanche 4 juillet et les banques seront fermées aussi le lundi, n'est-ce pas ? Tu peux te considérer chanceuse si tu as l'argent d'ici mercredi après-midi"

Soudain Pam eut une idée:

"Nous pouvons demander à Bill Siddons d'apporter l'argent ici personnellement. Après tout, il peut être utile à quelque chose. Je connais le comptable, Bob, mais il ne m'enverra jamais d'argent. Il ne m'aime pas et d'ailleurs je ne l'aime pas non plus. Bien sûr, je pourrais aussi lui dire que Jim a demandé de l'argent."

"Mais sais-tu que les comptes de Jim vont être bloqués ? Pourquoi ne t'adresse-tu pas à Max Fink pour qu'il t'explique comment ça se passe dans ces situations. Jim avait une totale confiance en lui et nous pouvons compter sur le fait que par déontologie il gardera le secret de la mort de Jim."

"Je ne l'aime pas beaucoup non plus" a répondu Pam, avant de changer d'avis plus tard.

"Je te prie de parler à un minimum de personne. Et tu viens de parler d'incinération. N'y pense même pas. Ici en France, ce n'est pas courant et ils demanderont une autopsie. Oublie. Et si tu envoyes le corps aux États-Unis, la loi prévoit que le cercueil devra être ouvert pour inspection et d'autres chamailleries. Je sais tout ça parce que j'ai fait expédié le corps de mon père pour être enterré.

Pam ne voulait pas comprendre.

"Je veux disperser ses cendres dans un endroit merveilleux. Un endroit qu'il aurait aimé. Je demanderai à Agnès de m'en montrer. Après tout, elle est cinéaste."

"Assez, je t'en prie. Écoute, nous devons l'enterrer et nous devons le faire vite, avant que la presse n'aie vent de ce qui se passe. Autrement, nous serons dans la merde. Agnès connaît un gros poisson de la presse européenne et je pense que si elle devait le lui demander, il pourrait étouffer l'affaire. Non, encore mieux ! Une fois j'ai emmené son épouse à un concert des doors. Après je l'ai présentée à Jim qui a été très sympa avec elle. Elle l'a adoré. Je parie qu'elle nous aiderait. Peut-être que nous parviendrions à manipuler la presse ?"

J'ai fait une pause pour être certain que Pamela me suivait.

"Je pense au Père Lachaise, le cimetière où Chopin, Delacroix, Piaf et Isadora Duncan sont enterrés. Même Alice B. Toklas est là. Tu vois Pam, dans ce pays, les gens respectent les artistes. Même Jim était respecté. Il n'était pas juste une rock star. Il aurait finalement fini dans un dictionnaire Larousse et pas sur une de ces pauvres cartes qu'ils vendent sur Hollywood Boulevard"

"Rimbaud est là-bas aussi ?"

"Je ne sais pas, je ne le pense pas. Il n'a pas disparu en Afrique ?"

"Tu sais que les perceptions restent dans le corps après la mort. S'il doit être enterré, Jim sentira la terre tombé sur lui. Il pourrait même entendre ce que les gens disent autour de sa tombe..."

Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il fallait répondre à une telle déclaration.

"Alors, qu'est-ce qui ne va pas avec ce que j'ai dit ?" lui ai-je demandé. "On ne dirait rien de mal sur lui."

Tandis que j'attendais l'approbation de Pam, une autre raison m'est apparue pour vouloir l'inhumer au Père Lachaise.

"Je dois te parler de quelque chose qui est arrivé il y a une semaine. Jim et moi marchions quand il a vu une colline au loin et il m'a demandé d'y aller. Quand nous sommes arrivés, nous nous sommes rendus compte que c'était le cimetière et qu'il venait juste de fermer. "

J'ai dit "Quel dommage, je voulais le visiter depuis longtemps"

"D'accord" a répondu Jim "Je reviendrai"

"Je me suis demandé pourquoi il avait utilisé le "je" et pourquoi il parlait avec emphase ? Je n'avais pas l'intention de quitter Paris à ce moment-là."

"Peut-être qu'il essayait de nous dire quelque chose" répondit Pam

"Sais-tu comment faire pour contacter les Morrison ? C'est une chose à faire y compris pour obtenir leur permission."

"Nous ne devons pas nous en inquiéter."

"Le pauvre Andy, je voudrais qu'il apprenne la nouvelle de moi plutôt que dans un journal."

"Ne t'inquiète pas pour lui. C'est ok. Il est un grand garçon maintenant."

Le déroulement rapide des événements ne m'avait pas donné de temps pour vraiment penser à tous les détails. Pour le moment, la seule chose importante était de donner à Jim un enterrement calme sans faire "tout un cirque".

En attendant, je ne savais pas jusqu'à quel point l'histoire que m'avait raconté Pam était la vraie histoire. Peut-être qu'elle avait contribué à la mort de Jim ? Non seulement elle, mais il y avait probablement aussi d'autres facteurs. Si les drogues l'avaient tué, je n'aurai pas voulu que cela fut découvert. J'en aurai eu honte et, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer plus tard à Pam, il y avait un autre point qui m'importait. Je ne voulais pas que Jim devienne un mythe que l'on se mette à suivre. Le mystère et la légende que nous avons construit autour de la mort de Jim me convenaient parfaitement.


Quelques minutes plus tard, Pam a commencé à fouiller dans le dernier tiroir d'un petit meuble.

"C'était à Jim" expliqua-t-elle. "Mais il ne s'en est pas trop occupé"

J'étais derrière elle et je pouvais voir qu'elle regardait des photographies de Jim. J'ai détourné le regard. Je pensais à tout ces bons souvenirs et j'ai commencé à pleurer.

"Hé, nous devons retourner au commissariat de police. Quelle heure est-il ?" me rappela Pam.



"Donnez-moi s'il vous plaît le passeport de Monsieur Morrison, je dois l'envoyer à l'Ambassade américaine. C'est juste une formalité."

Le policier était donc sur le point de découvrir le nom exact de Jim. Nous devions éviter de lui donner le passeport.

Je l'ai averti:

"Nous avons quitté l'appartement. Je devrais le chercher. Avez-vous envie de m'attendre ou préférez-vous que nous l'apportions là en personne ?

En tout cas, les bureaux de l'Ambassade sont fermés jusqu'à mardi puisque nous célébrons la Fête de l'Indépendance. En plus, il est tard. Vous ne devez pas aller à la maison pour le dîner ?"

"D'accord, vous pouvez le faire vous-mêmes et en fait, il est tard. Je serai chez vous de nouveau demain matin. Essayez d'être là. Entre temps vous pouvez faire ce que vous voulez"

J'ai dit "Monsieur, et le corps ?"

"Je vous avais demandé de ne pas en parler. Laissez-le pour le moment"



Nous venions d'arriver à la maison, quand Pam est allée voir qui avait sonné à la porte. Une minute plus tard elle a crié pour savoir si j'avais commandé de la crème glacée.

"Non et je ne pense que ça peut être fait à Paris. Pourquoi ?"

"Viens ici s'il te plaît et parle à ce type."

J'ai été surpris par l'apparence extraordinaire de cet homme. Seule la petite moustache, la canne et les chaussures surdimensionnées manquaient pour qu'il soit l'imitation exacte de Charlie Chaplin. Ses vêtements et le chapeau étaient justes et son visage était exactement le même.

"Ce n'est pas de la crème glacée" furent ses premiers mots. "C'est de la neige carbonique. Et ce n'est pas pour vous, c'est pour le cadavre"

Je le regardais étonné et je l'ai invité à entrer.

"Entrez. Il est là dans cette chambre"

Quand il a quitté la chambre, il m'a remis sa carte et a dit, "Je vous garderai informé du calendrier de mes visites. Tenez-moi au courant de la situation demain. Je ferai de mon mieux, mais cette chaleur est mauvaise."

Je lui ai dit que Pam avait l'intention de passer la nuit à côté de Jim.

Il a répondu "Selon mon expérience, je déconseille vraiment de le faire."

"L'Homme de Glace" est revenu plusieurs fois le dimanche et nous a informés que lundi, la situation serait presque insupportable.

Pam semblait épuisée, mais sa détermination la faisait aller de l'avant. Elle m'a dit qu'avoir Jim dans l'appartement la sécurisait. Si cela ne tenait qu'à elle, elle le garderait comme ça pour toujours.


Lundi, après qu'un peu de nouvelle glace ait été mise en place, nous avons reçu un appel téléphonique de Londres. Quelques rumeurs circulaient à propos de la mort suite aux affirmations de Marianne Faithfull. Pam, qui avait répondu, n'a rien dit.


La party était sur le point de commencer.

Il n'y avait pas de temps à perdre. Les relations d'Agnès dans la presse continuaient à imposer le silence aux journaux. En attendant, j'avais pris un rendez-vous avec un avocat bien connu, dans le cas où des complications malheureuses avec la police devaient apparaitre.

La pression a forcé Pam à prendre une décision. Elle a donné son approbation pour l'enterrement au Père Lachaise.

J'ai tout organisé en un jour.

En attendant, je n'ai pas pu lui faire changer d'avis, Pam a dormi avec Jim chaque nuit. Elle était têtue. Je ne voulais pas imaginer cette scène et l'effet que cela pourrait avoir sur elle.

Puis une complication est apparue. Elle commençait à devenir méchante avec Agnès, qui la traitait comme sa fille. Avec moi, Agnés a été une aide infinie.

J'ai dit à Pamela "Souviens-toi, Agnès connaissait à peine Jim. Ils ne se sont jamais vus seuls et elle a toujours été très correcte. Tu te souviens quand Jim t'a dit qu'Agnès serait probablement votre seule amie à Paris si quelque chose de difficile devait se présenter. Quelle prophétie..."

"Je ne remettrais jamais les pieds dans la maison de cette femme" conclu Pamela.

La morgue, située dans la rue à côté de Notre Dame, était si proche de la cathédrale qu'on pouvait croire qu'elle en faisait partie. L'ombre de la cathédrale en faisait un endroit sombre et qui plus est, il y avait une ampoule de faible puissance. Tout cela concordait bien avec mon humeur, qui était particulièrement noire à ce moment.

Monsieur Guizard, le propriétaire, s'est rapidement occupé des formalités de façon très professionnelle. Je pensais qu'il prendrait soin de tout ce qu'il y avait à faire quand son assistant est arrivé. Son apparence, ses ongles cassés, m'ont fait penser que c'est lui qui s'occuperait de l'enterrement.

"Tout le monde veut être enterré au Père Lachaise. Il n'y a plus de place. Qui était votre ami ? Un écrivain ?"

"En réalité, il était poète."

"Ah, dans ce cas, nous avons de la chance. Croyez-le ou pas, il y a toujours de la place dans la Division 89, où un autre auteur américain célèbre est enterré. Son nom est Oscar Wilde. Le connaissez-vous ?"

"Non je vous en prie. Pas à côté de Monsieur Wilde. N'y a-t-il pas un autre emplacement ?"

"Ici. Mais ce n'est pas vraiment un bel emplacement."

"Non, c'est ok. Merci."

L'année où j'ai fait ma seule visite au Père Lachaise, je suis passé devant l'Hôtel dans la rue des Beaux-Arts. Pour la première fois, j'ai lu la plaque commémorative sur le côté de l'entrée principale. Elle dit, plus ou moins : "Dans cet hôtel, Oscar Wilde, poète et dramaturge anglais est mort..."

Dear Sista,
Avec toute l’admiration que tu mérites, je constate chez toi tous les signes de ce que certains pourraient qualifier de névrose, dans sa signification freudienne bien sûr :
J’ai remarqué qu’un changement s’était opéré en toi, tu étais très discrète depuis bien (trop) longtemps sur le forum, et tout d’un coup tu te mets à fournir un travail de Titan, en cherchant des documents de malades, que tu traduis en totalité et que tu retranscris pendant des pages entières…regarde où est la barre du curseur, on n’est est qu’au neuvième message et j’ai déjà mal à l’index à force de tourner la molette de ma souris! Pareil dans le topic sur le groupe de Robby, tu es devenue en un laps de temps très court une fontaine inépuisable à interventions prolixes.
Je suis sérieux Sister, je dis ça c’est pour ton bien. Je sais que tu traverses une période difficile, tu as dû changer tes habitudes afin de consacrer plus de temps à l’écriture de tes interminables posts, passant même par-delà outre tes devoirs parentaux les plus fondamentaux. Ton addiction a déjà pris le pas sur ta vie familiale et même sur ta carrière. Je compte sur toi pour fournir les efforts nécessaires afin de te reconstruire rapidement, et je ne doute pas une seule seconde de ta capacité à surmonter tous les obstacles de la vie.
Cordialement,
Ton birdy dévoué.
Ce message a été modifé par birdofpray (19 Sep 2014, 16:02)Citer
Sister Mid'nite


20 Sep 2014, 4:31
Citation de birdofpray :


Dear Sista,
Avec toute l’admiration que tu mérites, je constate chez toi tous les signes de ce que certains pourraient qualifier de névrose, dans sa signification freudienne bien sûr :
J’ai remarqué qu’un changement s’était opéré en toi, tu étais très discrète depuis bien (trop) longtemps sur le forum, et tout d’un coup tu te mets à fournir un travail de Titan, en cherchant des documents de malades, que tu traduis en totalité et que tu retranscris pendant des pages entières…regarde où est la barre du curseur, on n’est est qu’au neuvième message et j’ai déjà mal à l’index à force de tourner la molette de ma souris! Pareil dans le topic sur le groupe de Robby, tu es devenue en un laps de temps très court une fontaine inépuisable à interventions prolixes.
Je suis sérieux Sister, je dis ça c’est pour ton bien. Je sais que tu traverses une période difficile, tu as dû changer tes habitudes afin de consacrer plus de temps à l’écriture de tes interminables posts, passant même par-delà outre tes devoirs parentaux les plus fondamentaux. Ton addiction a déjà pris le pas sur ta vie familiale et même sur ta carrière. Je compte sur toi pour fournir les efforts nécessaires afin de te reconstruire rapidement, et je ne doute pas une seule seconde de ta capacité à surmonter tous les obstacles de la vie.
Cordialement,
Ton birdy dévoué.



Birdy,

Donc tu me considères comme une malade ?

Pour te rassurer sur mes névroses, et plus particulièrement mes obsessions, elles ne me poussent pas à travailler jour et nuit sur le sujet des doors. Le témoignage de Alain Ronay est un gros travail de traduction mais je l'ai étalé sur plus de 5 mois. Ce n'était pas envahissant et cela m'a laissé du temps pour me consacrer à l'essentiel qui est heureusement plus joyeux que cette triste fin de vie de notre ami Jim.

Donc non je ne consacre pas ma vie à déchiffrer des textes, tel Champollion, pour tenter de faire renaître un passé énigmatique.

Pour le topic sur Krieger, j'ai assez peu de mérite. La majorité des textes, je les ai recopiés de blogs / forums. Mon travail consiste à les relire et réécrire certaines passages parce qu'ils sont incompréhensibles.

Pour le reste, bien sûr que j'ai des névroses mais elles ne sont connues que du médecin de l'hôpital psychiatrique "ship of fools" où j'habite depuis 8 ans.

Bon, trêve de plaisanterie je te lis toujours avec plaisir.

Sista
Ce message a été modifé par Sister Mid'nite (20 Sep 2014, 8:44)Citer
Nico


20 Sep 2014, 10:12
Sister, en tant que chef du service psychiatrique, je suis très fier de tes progrès, je tenais à te le dire.
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Sister Mid'nite


23 Sep 2014, 4:41
Citation de Nico :
Sister, en tant que chef du service psychiatrique, je suis très fier de tes progrès, je tenais à te le dire.


Je suis rassurée. Des fois je doute.
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Grégoire


7 Oct 2014, 13:21
Petit aparté :



Commentaire de Paul Ferrara : This is what a heroin high looks like. Blank stare. ("regard vide")
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deepfan
7 Oct 2014, 23:02
J'fais la même tronche après 1 semaine d'insomnie...
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Nico


8 Oct 2014, 0:52
Au moment de la photo, il avait déjà liquidé 3 ou 4 whisky et une bouteille de cognac. Moi je trouve qu'il a encore un regard clean !!!
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Grégoire


8 Oct 2014, 4:07
Citation de Nico :
Au moment de la photo, il avait déjà liquidé 3 ou 4 whisky et une bouteille de cognac. Moi je trouve qu'il a encore un regard clean !!!


Il y a l'histoire dans laquelle il sirote, de mémoire 23 bourbons, et se relève sans le moindre déséquilibre. Cette photo est prise, au plus tard, 2 ans après. Est-ce que son état peut s'être dégradé si vite ?
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Grégoire


8 Oct 2014, 4:08
Si le commentaire avait été posté par n'importe qui, je n'aurais pas relevé. Mais Paul Ferrara a bien fréquenté Jim.
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Geoffrey


8 Oct 2014, 4:46
Il me semblait au contraire que Jim avait bu 3, ou 4 bouteilles de whiskys et seulement un cognac...
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Sister Mid'nite


8 Oct 2014, 5:05



Je trouve que c'est délicat de tirer des conclusions à partir d'une photo.


La photo ci-dessus a été prise 1 à 2 heures après ton cliché et en la voyant personne ne dirait que ce mec est un héroinoman.


Jim était dans un état dépressif à Paris et si mes souvenirs sont bons il prenait des médocs.

Son état mental variait très rapidement et donc ses expressions aussi. Je ne tirerai pas des conclusions définitives à partir de ta photo.


Ca me fait penser à d'autres clichés. Lorsqu'on a l'occasion de voir l'ensemble des clichés, on peut souvent voir que Jim sourit et est détendu mais la photo retenue pour la promotion ou le journal le montre sérieux ou avec une expression énigmatique et c'est l'image que l'on va retenir de lui alors que tous ses proches disent qu'il se marrait très souvent.
Ce message a été modifé par Sister Mid'nite (8 Oct 2014, 5:46)Citer
Grégoire


8 Oct 2014, 5:16
Je ne tire pas de conclusions trop hâtives sur sa mort. Ce qui m'a interpelé, c'est le fait qu'un de ses amis pense que Jim ait pu prendre de l'héroïne.
Il le déclare même de façon tellement péremptoire, qu'il ne semble y avoir aucun doute à ses yeux. C'est ce qui m'a intéressé dans sa remarque.
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Nico


8 Oct 2014, 5:35
C'est ce que je voulais dire Geoffrey !!! 2 à 3 bouteilles de Chivas et 1 bouteille de Cognac au dessert.
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Sister Mid'nite


8 Oct 2014, 6:20
Citation de Grégoire :
Je ne tire pas de conclusions trop hâtives sur sa mort. Ce qui m'a interpelé, c'est le fait qu'un de ses amis pense que Jim ait pu prendre de l'héroïne.
Il le déclare même de façon tellement péremptoire, qu'il ne semble y avoir aucun doute à ses yeux. C'est ce qui m'a intéressé dans sa remarque.



Ah ok j'aurais dû m'adresser à Ferrara :-)
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Grégoire


8 Oct 2014, 7:17
Bah ce n'est pas la thèse que je défends, mais je crois qu'il ne faut pas la négliger ;-)
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Sister Mid'nite


8 Oct 2014, 7:23
Citation de Grégoire :
Bah ce n'est pas la thèse que je défends, mais je crois qu'il ne faut pas la négliger ;-)



Et c'est quoi la thèse que tu défends ?
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Grégoire


8 Oct 2014, 7:35
Il y en a deux :

_ celle du corps épuisé, qui a pu souffrir d'un changement de rythme (reprise ou arrêt brutal de ses consommations). Il était asthmatique, quelques autres problèmes de santé rapportés par ses médecins et un refus de traitement.

_ la deuxième, c'est celle du suicide (par héroïne ?). Il a été rapporté sur ce forum les nombreuses occurences du mot "cancer" dans ses carnets. Il me semble que Reuzeau y fait allusion dans son deuxième bouquin (le Folio biographie), mais je ne l'ai pas sous la main à cet instant.
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